Un 6ème rapport de synthèse publié par le GIEC 🌍
Fin mars 2023, le GIEC termine son 6ème cycle d’analyse sur l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique. Le 1er tome était publié en août 2021, le second en février 2022 et le 3ème en avril 2022. Plus d’un an plus tard, la synthèse de ces 3 tomes est publiée.
Comment s'organisent les rapports GIEC ?
Les 3 tomes d’un rapport de synthèse du GIEC sont à voir comme 3 médecins qui s’occupent d’un patient.
- Le premier médecin s’occupe de diagnostiquer le patient et de comprendre scientifiquement ce qu’il se passe (bilan sanguin, IRM, etc.)
- Le second médecin s’occupe de prescrire au patient un traitement pour traiter les symptômes de sa maladie (faire baisser la fièvre)
- Et le dernier médecin s’occupe de proposer un traitement pour traiter la maladie à sa cause racine (faire plus de sport et manger plus sainement)
Dans un rapport du GIEC, le 1er groupe de travail analyse la littérature scientifique afin de proposer un consensus sur l’état climatique de la planète. Le 2nd groupe de travail évalue les impacts du changement climatique sur les écosystèmes dont nous faisons partie et propose un traitement pour s’adapter à ce changement. Le 3ème groupe de travail évalue les leviers possibles pour réduire le réchauffement autant que possible. Il propose la posologie et tous les traitements possibles.
Que nous dit la synthèse de ce 6ème rapport ?
Dans ce 6ème rapport, il y a une infographie qui a retenu l’attention de beaucoup de personnes qui s’intéressent de près ou de loin aux enjeux climatiques. Cette infographie montre l’évolution des températures planétaires avec le rendu graphique des Warming Stripes tout en faisant le lien entre les générations (de la même manière que le projet artistique Born in … ppm). On retrouve ici l’évolution du climat passé et futur en fonction de nos choix sociétaux et ce que ça donnera pour les générations futures.
Dans cet article, vous trouverez une sélection de graphiques et d’infographies issues de ce dernier rapport. Bien sûr, tous les sujets ne peuvent pas être abordés et le traitement ici proposé est à voir selon la focale de l’auteur. Pour vous faire votre propre avis, les rapports du GIEC sont fait pour ça. Ici, nous aborderons les apprentissages de ce rapport à travers les 3 groupes de travail précédemment évoqués.
- Qu’apprenons-nous sur le consensus scientifique du problème ?
- Qu’en est-il des impacts du changement climatique sur les sociétés humaines ?
- Quelle serait la manière de réduire nos émissions pour atténuer le réchauffement global de la planète ?
Quels apprentissages sur l'état climatique de la planète ?
Le 1er apprentissage est primordial. Il s’agit d’acter un consensus scientifique et intergouvernemental. Le changement climatique actuel est indiscutablement d’origine humaine. Alors que les rapports précédents faisaient états de doutes (1990) puis de fortes certitudes (95% en 2014), le groupe assume maintenant un phrasé qui ne permet pas de douter de l’origine humaine du réchauffement global actuel. Sur le graphique ci-dessous, on voit bien que seules les simulations incluant les activités permettent de coller aux observations.
Cela est la meilleure nouvelle que l’humanité puisse avoir de la part de ses scientifiques. Cette information nous évite un scénario à la Don’t Look Up. En effet, la cause du réchauffement planétaire actuel n’est pas une fatalité à laquelle l’humanité ne peut rien. Bien au contraire et ce sera tout l’intérêt des apprentissages apportés par le Groupe de Travail 3 sur l’atténuation.
Le second apprentissage est de voir le plus concrètement possible les conséquences d’un monde réchauffé de +1.5°C, +2°C, +3°C ou +4°C à travers différentes conséquences sur notre quotidien.
- Variation de la température maximale du jour le plus chaud de l’année
- Variation de l’humidité moyenne des sols
- Evolution de la quantité de pluie sur le jour le plus humide d’une année
Et en ce qui concerne les sociétés européennes, les conséquences les plus visibles sont celles concernant l’asséchement des sols sur le pourtour méditerranéen. Mais également l’augmentation des températures amplifiées par les îlots urbains très présents sur notre continent. Pour plus de détail, des données régionalisées sont proposées sur ce document.
Comment s'adapter à ce climat qui change ? Comment atténuer ses causes ?
Et comment tout est interconnecté ?
Voilà à quoi répond cette infographie issue du rapport de synthèse, version longue (p.31).
Cette infographie montre comment sont connectés les 3 thématiques sur lesquelles travaillent les 3 groupes du GIEC. Les émissions des sociétés humaines (groupe 3) influencent le climat futur (groupe 1). Cela entraîne des impacts et des risques que les sociétés humaines subissent et auxquels elles tentent de s’adapter (groupe 2).
S'adapter à un climat qui va se réchauffer pendant encore 2 décennies
Le site du GIEC regorge d’infographies permettant de mieux se saisir de ses rapports. On y trouve notamment des graphiques concernant les impacts du dérèglement à différentes températures (sur la même logique que les 3 présentés plus haut).
On peut remarquer sur cette infographie que le nombre de jours qui augmente la mortalité des humains augmente significativement lorsque le réchauffement continue. Les zones violettes sur les infographies étant celles où les populations subissent des conditions climatiques mettant en danger leur santé 365 jours par an. Voilà un des apprentissages issus du groupe 2 : détecter les impacts du dérèglement sur nos sociétés.
Il est notamment intéressant de voir sur ce graphique que la bande équatoriale, la zone la plus densément peuplée de la planète, est celle qui va subir les conditions climatiques les plus dures pour les organismes humains
Mais le groupe 2 travaille aussi à évaluer les solutions pour s’adapter à ce climat changeant. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il propose une infographie (rapport de synthèse, version longue, p.45) pour rendre visibles les enjeux sur l’adaptation à la montée des eaux sur le littoral.
On y apprend quelques ordres de grandeurs sur les impacts de la montée des eaux sur les populations humaines. Mais cette infographie apporte aussi des éclairages intéressants pour évaluer les solutions d’adaptation à la montée des eaux sur leur temps d’efficacité du fait de la montée inexorable des eaux jusqu’en 2300 à minima. On y voit notamment que seules les solutions de relocalisation des habitations côtières permettent de répondre aux enjeux de long terme de la montée des eaux.
De la même manière que pour le groupe 1, des données régionalisées sont disponibles sur ce site. Cela est très utile pour savoir quels impacts vont s’intensifier et être plus fréquents à tels ou tels endroits d’une chaîne de valeur.
Couper le gaz pour limiter l'incendie : les politiques d'atténuation
Le groupe 2 travaille à évaluer les possibilités de s’adapter à un climat qui se dérègle. Cependant, il y a des limites dures, des limites physiques, auxquelles il n’est plus possible de s’adapter une fois qu’elles sont atteintes. C’est pour cela que le 3ème groupe de travail joue un rôle primordial. Il s’occupe de trouver et d’évaluer les leviers pour limiter le réchauffement global autant que possible en atteignant la neutralité carbone.
Le 3ème groupe de travail récupère les données issues des gouvernements concernant leurs engagements climatiques et les insèrent dans ses modèles, cela donne ce graphique ci-dessous. Nous pouvons voir le delta entre les pentes que doivent prendre nos émissions de GES versus celle dont les Etats sont prêts à consentir. Actuellement, les engagements politiques nous emmènent vers un monde réchauffé de +2.2°C à +3.5°C ce qui aura des conséquences comme précédemment évoqué. Nous évoquerons plus bas les potentielles raisons qui amènent à ce résultat.
Afin de faciliter l’atteinte des objectifs climatiques (limiter le réchauffement à 1,5°C), ce groupe 3 donne tous les leviers possibles. Ils évaluent l’évolution des coûts des différentes technologies susceptibles d’être utiles dans la transition. Ils évaluent les différentes formes d’actions pour diminuer nos émissions de GES comme l’innovation technologique, l’efficience de nos procédés et la sobriété. Ils proposent également des trajectoires sectorielles sur lesquelles les organisations peuvent s’aligner afin d’avancer de concert dans la transition.
Avec ces 5 scénarii proposés pour atteindre la neutralité carbone, le GIEC amène également des précisions sectorielles où l’on peut voir que certains secteurs doivent prendre des trajectoires d’émissions plus fortes que d’autres. Notamment pour l’agriculture, qui est fortement liée au changement d’usage des sols au niveau mondial.
Que conclure de ce nouveau rapport ?
Depuis 1988, le groupe a publié 6 rapports de synthèse et 12 rapports spéciaux qui ont été très éclairants sur l’état climatique de notre planète et les avenirs possibles. Cela a permis de dégager un consensus scientifique sur le sujet et de faire entrer dans la sphère publique les enjeux climatiques.
Mais cela ne nous a toujours pas permis de répondre aux problèmes à la hauteur des enjeux. Et cela est très probablement dû à la gouvernance du GIEC qui est un groupe intergouvernemental.
Comment fonctionne le GIEC ?
La production des rapports est une collaboration entre scientifiques et politiques. Les premiers cherchant à faire la synthèse des connaissances disponibles sur le changement climatique. Les seconds cherchant à protéger les intérêts de leurs peuples souverains et faisant pression pour qu’apparaissent ou non certains mots ou certains concepts.
Force de quoi, le résultat des rapports est une vérité qui ne dérange pas, qui ne remet pas en cause les rapports de force politiques et économiques. Le même résultat advient car les scientifiques doivent s’accorder sur un consensus qui les conduit à écarter les propositions les plus clivantes.
Ce dernier rapport ne nous apprend, fondamentalement, rien de nouveau sur l’Etat de la planète ou sur les leviers d’actions les plus efficaces. Il vient cependant confirmer un grand nombre de sujets, d’hypothèses et de certitudes. Mais ce n’est plus de ça qu’il s’agit en 2023.
Ce qu'il nous reste à faire ...
En 2023, il s’agit d’imiter les populations des années 1980. Qui, alors que le trou dans la couche d’ozone devenait de plus en plus visible, se sont toutes mises en action pour vulgariser les discours scientifiques et former les décideurs sur ces enjeux.
Le GIEC ne nous fera pas passer à l’action. Seuls les gouvernements et les entreprises le peuvent. Et dans une moindre mesure, (pris individuellement) les citoyens.
Auteur :
Harald Lhomme
Consultant en stratégie climat