S'adapter à un climat qui évolue : la ressource en eau
La France a connu au cours de l’hiver 2022-2023 un épisode de sécheresse hivernale assez marquant.
En effet, en mars 2023 le pays n’avait pas observé de précipitations depuis le 21 janvier 2023 soit 32 jours sans pluie. Le dernier record en hiver était de 22 jours sans pluie en 1989.
A la fin février, l’état des sols du pays sont plus secs que la normale et se rapprochent plus des états habituellement rencontrés à la mi-avril. Soit une avance de 2 mois sur le calendrier.
Dans un contexte où le dérèglement climatique va continuer de s’aggraver sur les deux prochaines décennies, il est raisonnable de se questionner sur la manière dont notre société doit anticiper ce nouveau risque. Quels secteurs sont concernés ? Et comment pouvons-nous nous préparer face à cela ?
La sécheresse, un évènement météorologique accentué par le dérèglement climatique
La sécheresse est un épisode de manque d’eau plus ou moins long, mais suffisant pour que les sols et la flore soient affectés. Ce phénomène peut être cyclique ou exceptionnel, et entraîne des conséquences variées : assèchement des cours d’eau, déstabilisation des milieux naturels, impact sur l’approvisionnement en eau potable, augmentation du risque d’incendies…
De mémoire de français, le pays a connu plusieurs évènements de sécheresse historiques. Sur les 8 plus marquants des 100 dernières années, 4 ont eu lieu durant la période 1921-2000 et 4 ont eu lieu sur la période 2000-2022.
Il existe différents types de sécheresses. Les sécheresses pluviométriques lorsque les volumes de pluie sont nettement inférieurs à la moyenne sur de longues périodes. Les sécheresses agricoles, caractérisées par l’humidité des sols, dépendent des précipitations ainsi que les paramètres de vent et de température de l’air et aussi du type de plantes sur les sols. La dernière catégorie de sécheresse concerne le débit des cours d’eau ainsi que le niveau des nappes phréatiques. Elle dépend des précipitations et de la capacité des sols à faire ruisseler ou s’infiltrer l’eau de pluie.
Divers phénomènes expliquent ce dérèglement du cycle de l’eau et des normales de précipitations. Tout commence avec les émissions de gaz à effet de serre des activités humaines. Celles-ci sont émises dans l’atmosphère et y résident pour des siècles et des siècles. Ces molécules ont la capacité physique de piéger les rayons infra-rouges émis par la Terre. D’une certaine manière, ces molécules agissent de la même manière qu’une polaire ou un manteau qui empêchent votre chaleur de partir vers l’extérieur et que vous n’ayez froid.
A cause de ces concentrations en CO2 (notamment), la température de la planète subit un réchauffement global (déjà +1,2°C depuis 1850). Or, plus l’air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d’eau (+7% par degré). Vous pouvez remarquer ça dans votre salle de bain après avoir pris une douche. La vapeur d’eau se condense sur les fenêtres car l’air à proximité y est plus froid. L’eau ne peut plus rester sous forme de vapeur et elle se condense sur la paroi.
Nous avons également des océans qui se réchauffent à cause de cet effet de serre additionnel dû aux activités humaines. La température des eaux de surface du globe a augmenté de +0.8°C depuis 1880 selon la NOAA. Or, plus une eau est chaude, plus elle évapore de l’eau vers l’atmosphère.
Les températures de l’air et de l’eau sont 2 paramètres importants régissant le cycle de l’eau planétaire. Celui-ci était stable depuis environ 10 000 ans car le climat l’était également. Avec les dérèglements en cours, le cycle de l’eau suit aussi la même tendance.
En France, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes. Et cela devrait perdurer sur le bassin méditerranéen, comme l’anticipe les modélisations climatiques. Il faut également noter que la variabilité des précipitations augmente dans le même temps. Cela signifie qu’il pleut plus sur des intervalles de temps courts et qu’il ne pleut plus pendant de longues périodes ensuite.
Plus l’air est chaud, plus il peut contenir de vapeur d’eau. +7% par degré supplémentaire.
A ces phénomènes s’en ajoutent d’autres qui viennent amplifier la sécheresse des sols.
Notamment, les canicules qui amènent de fortes températures qui accentuent l’évaporation de l’eau dans les sols. Mais également les vents forts qui agissent comme un sèche-cheveux pour les sols. Et lorsque les sols sont secs, ils ont beaucoup plus de mal à absorber l’eau des pluies. On parle alors de pluie inefficace car l’eau ruisselle dans les cours d’eau et se rejette dans les mers et océans sans hydrater les sols et recharger les nappes.
La recharge des stocks d’eau disponible pour le printemps et l’été est de moins en moins efficace sous l’effet du réchauffement global. En effet, la ligne de démarcation pluie-neige est de plus en plus haute en altitude et les hivers sont de plus en plus chauds, limitant les chutes de neige. Conséquences de quoi, les cours d’eau bénéficient de moins de fonte de neige pour les périodes printanières et estivales, aggravant encore les phénomènes précédents.
En résumé, la disponibilité en eau pour les activités humaines dépend, notamment :
Des précipitations efficaces qui gorgent les sols en eau et rechargent les nappes.
Des stocks d’eau cumulés pendant l’hiver dans les montagnes.
De la nature des plantes dans les champs. Certaines protégeant mieux de l’évaporation des sols et/ou utilisant moins d’eau pour pousser.
La sécheresse impacte nos activités économiques !
L’humanité réside sur la planète Terre mais la particularité de cette planète est bien qu’elle possède de l’eau. C’est une condition essentielle au développement de la vie. Le corps humain est constitué à 80% d’eau. Un être humain peut survivre plusieurs dizaines de jours sans manger mais seulement 3 sans boire. L’eau est une ressource vitale pour l’espèce vivante que nous sommes mais aussi pour les activités économiques qui régissent la vie de notre société. Le dérèglement climatique rebat les cartes du fonctionnement de notre société et notamment sur l’usage de la ressource en eau.
La France est le premier pays touristique au monde, un pays exportateur net de blé et disposant d’un parc de centrales nucléaires important. Ces trois secteurs sont et seront de plus en plus impactés par la raréfaction des ressources en eau. Voyons de quelle manière.
Le premier secteur consommateur d’eau en France est l’agriculture avec 45% des volumes consommés. Vous pourrez trouver également des statistiques différentes et voir le secteur énergétique en 1ère place avec 50% des volumes prélevés. Mais il s’agit là de volumes prélevés et rendus à l’environnement.
Lorsqu’un secteur d’activité représente 45% des consommations en eau du pays et que celui-ci souffre de sécheresse de plus en plus intenses, ledit secteur ne peut pas en sortir indemne. Les répercussions sur l’agriculture seront multiples, variées et aussi intenses que non préparées. Avec des sols secs au printemps, il sera plus difficile de réaliser les semis. Avec des sols secs, les pâturages seront moins verdoyants et stocker du fourrage sera plus difficile. Autre conséquence et pas des moindres, il est possible que des animaux doivent être abattus par manque d’eau ou de nourriture. Pour donner un ordre de grandeur, une vache laitière boit jusqu’à 100L d’eau par jour et c’est sans compter l’eau nécessaire pour produire sa nourriture.
La France dispose d’un patrimoine environnemental très riche avec plusieurs biomes présents sur le territoire et le dérèglement climatique impacte ces espaces naturels de différentes manières. Prenons l’exemple du littoral méditerranéen de plus en plus envahi par les méduses dû au réchauffement des eaux. Mais les grands espaces naturels comme les gorges du Verdon subissent, eux, la diminution de la ressource en eau. A l’été 2022, les activités nautiques comme le rafting ont dû être annulées. Cela s’est ressenti par une baisse de la fréquentation de 10%. On peut également penser au bassin aquitain qui a connu de forts feux de forêts à l’été 2022. Un épisode notamment facilité par la sécheresse des sols.
Du côté de la production électrique, la disponibilité de la ressource en eau est un enjeu crucial. Les barrages hydroélectriques représentent environ 10% de la production électrique et sont directement impactés. Que ce soit en amont par des précipitations de plus en plus faibles qui empêchent un remplissage optimal des réservoirs. Ou que ce soit en aval par une nécessité de rendre disponible de l’eau à des moments où il n’y a pas besoin de produire de l’électricité. Les centrales thermiques (essentiellement nucléaires) situées sur des cours d’eau se refroidissent avec cette eau. Dans un contexte de sécheresse et/ou de canicule, il est demandé à ces centrales de réduire leur production. La finalité est d’éviter de trop réchauffer l’eau des fleuves et de porter atteinte à la biodiversité (sauf en cas d’atteinte à la sécurité électrique).
Le changement climatique impacte tous les secteurs économiques et tous les lieux de diverses manières et à des intensités différentes. En ce qui concerne la raréfaction de la ressource en eau, le secteur primordial de l’agriculture est le 1er impacté. Certains secteurs industriels sont également affectés lorsque les pouvoirs publics prennent des arrêtés de restriction sur l’usage de l’eau.
Comment s'adapter à cette nouvelle donne ?
Le climat terrestre continuera de se réchauffer pendant au moins 20 ans. En réalité, il continuera de se réchauffer tant que la neutralité carbone mondiale ne sera pas atteinte. Il est donc sage de se préparer à des conséquences de ce dérèglement climatiques qui vont aller en s’empirant.
Si la température moyenne continue d’augmenter sur les vingt prochaines années (cela est dû à l’inertie des sociétés humaines à opérer des changements), les conséquences sur le cycle de l’eau continueront de s’accentuer sur la même période. Il est donc raisonnable de penser que la raréfaction de la ressource en eau est un phénomène qui continuera de s’aggraver au cours des deux prochaines décennies.
En partant de ce constat, il est pertinent de prendre conscience de la dépendance de son activité économique à la ressource en eau. Et ce, sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise. En partant du fournisseur au client final. Et ce ne sont pas des données que vous pouvez obtenir à partir de vos factures d’eau, qui ne rendent compte que de vos propres consommations.
Plusieurs techniques existent pour déterminer sa dépendance à la ressource en eau.
- Le diag’ Eco-Flux de BPI France qui mesure les consommations d’énergie, matière, déchets et eau.
- Le référentiel OCARA d’analyse de la résilience des entreprises aux impacts du changement climatique
- Les méthodes d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) et d’Ecoconception pour mesurer l’impact de nos produits sur divers critères dont l’impact sur l’eau
- Les Ateliers de l’Adaptation au Changement Climatique pour évaluer les enjeux climatiques d’une organisation et de déterminer la meilleure manière de s’y adapter
Chaque méthode proposée ici répond à des besoins différents. Le diag’ éco flux permet de détecter rapidement des gains opérationnels de réduction des coûts avec un co-bénéfice environnemental. Les méthodes d’ACV et d’écoconception permettent de concevoir des produits ou services qui minimisent leur impact sur l’environnement sur toute leur durée de vie. Finalement, le référentiel OCARA et les ateliers AdACC sont des outils qui permettent aux organisations une analyse étendue de leurs risques en prenant en compte les évolutions climatiques. En ce sens, ce sont des outils stratégiques pour une entreprise.
Auteur :
Harald Lhomme
Consultant en stratégie climat