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Comment lutter contre le dérèglement climatique ?

Le 2ème et le 3ème volume du 6ème rapport de synthèse du GIEC viennent de paraître. A cette occasion, nous vous proposons de faire le point sur les enjeux liés au dérèglement climatique.

Trois précédents articles évoquaient des enjeux en lien avec la transition énergétique. Si vous les avez lu, il est possible que vous associiez le concept de la transition énergétique au dérèglement climatique. [L’histoire de la transition, Pourquoi la transition et Comment réaliser la transition]

En quoi la transition énergétique est-elle liée au dérèglement climatique ? Et à l’inverse, que ne dit pas la transition énergétique à propos du dérèglement climatique ?

Pour répondre à ces questions, nous allons ici nous poser la question générale suivante : Comment lutter contre le dérèglement climatique ?

Que nous apprennent les rapports du GIEC à ce propos ?

De la même manière que l’Encyclopédie fut une référence pour faire l’inventaire de tous les savoirs au 18ème siècle, les travaux du GIEC sont la référence scientifique du 20ème et 21ème siècle en ce qui concerne le changement climatique.

Le dernier rapport du GIEC (IPCC en anglais) est nommé AR6 pour Assessment Report N°6 (Rapport d’évaluation) et se décompose en 3 chapitres principaux :

Le premier rapport réalise l’état de l’art des connaissances scientifiques du moment à propos du changement climatique. Il compile plus de 16.000 articles scientifiques et intègre plus de 80.000 commentaires. 

Le second rapport évalue les impacts du changement climatique sur les écosystèmes, la biodiversité et les sociétés humaines aux niveaux global et régional. Il examine également les vulnérabilités ainsi que les capacités et les limites du monde naturel et des sociétés humaines à s’adapter au changement climatique.

Le troisième rapport évalue  les progrès et les engagements en matière d’atténuation du changement climatique, et examine les sources d’émissions mondiales. Il explique l’évolution des efforts de réduction des émissions, en évaluant les engagements climatiques des états par rapport aux objectifs d’émissions.

Evolution des émissions de CO2
L'humanité émet de plus en plus de CO2 dû à ses activités (industrie, transport, usage des bâtiments). Ces gaz se stockent pour 50% dans l'atmosphère et contribuent à l'augmentation de l'effet de serre sur Terre.
Hausse de la température
La température terrestre a déjà augmenté de +1.2°C depuis 1850 à cause de la concentration toujours plus importante de CO2 dans l'atmosphère.
Diapositive précédente
Diapositive suivante

Que faire pour éviter ce futur non-désirable ?

Pour éviter ce futur non-désirable, il faut agir, dès maintenant, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Le dernier (3ème) rapport du GIEC établi que pour limiter le réchauffement à 1.5°C, les émissions mondiales de GES doivent atteindre un pic entre aujourd’hui et 2025. Pour rester sous les 1.5°C, l’humanité dispose de 3 ans pour s’organiser en ce sens. Plus le maximum des émissions interviendra tard, plus la diminution devra être importante par la suite. En effet, les budgets carbones pour tenir 1.5°C ou 2.0°C ne sont pas extensibles. C’est ce que nous apprend le rapport sur les bases physiques et scientifiques.

La quantité cumulé de CO2 (et autres GES) dans l’atmosphère est corrélée linéairement avec l’augmentation de la température planétaire. Plus nous émettons de GES, plus la température augmente.

Sachant cela, différents scénario s’offrent à nous. Il en existe 5 qui conduisent tous à des émissions différents et donc à un réchauffement différent. Parmi ces scénario, cependant, il n’en existe pas qui tablent sur des émissions nulles dès 2023.

Pour limiter le réchauffement à 1.5°C, les émissions mondiales de GES doivent atteindre un pic entre aujourd’hui et 2025.

Les SSP sont des Scénario Socioéconomiques Partagés (Shared Socioeconomic Pathways). Ils sont établis entre les scientifiques et les représentants des gouvernements au sein du GIEC. Ils dépeignent des futurs possibles d’un point de vue climatique selon les orientations que peuvent prendre les sociétés humaines.

Sachant qu’un scénario où les émissions de CO2 cessent du jour au lendemain n’est pas possible, il faut se préparer à voir la T°C continuer de monter pendant quelques années. C’est ce que nous pouvons voir sur le graphique de température ci-dessus. L’augmentation de température est la même quelque soit le scénario jusqu’en 2035 environ.

Sachant cela, il faut mettre en place deux types d’actions à tous les niveaux de la société (Etats, entreprises, collectivités et individus) :

  • S’adapter aux changements à venir, autrement dit “Gérer l’inévitable”
  • Atténuer au maximum les émissions de GES (pour limiter les dérèglements climatiques), autrement dit “Eviter l’ingérable”

S'adapter aux changements à venir avec le dérèglement climatique

Nous l’avons vu un peu plus haut, le réchauffement climatique va se poursuivre pendant environ 20 ans du fait de nos choix de trajectoires d’émissions de CO2. Dans ce contexte, les évènements extrêmes liés au dérèglement climatique vont s’intensifier et se multiplier. Il faut se préparer à ces évènements. Il faut augmenter la résilience de notre société face au dérèglement climatique.

Mais comment se préparer à des évènements que nous ne maitrisons pas ? Comment anticiper les catastrophes climatiques alors que nous ne pouvons pas prévoir le lieu ni le jour de leurs apparitions ?

Se former pour comprendre les mécanismes à l'oeuvre

Pour anticiper les évènements extrêmes qui surviendront, il est prioritaire de se former pour comprendre les mécanismes du dérèglement climatique. Pour cela, il existe de nombreuses manière de d’opérer.

En fonction de vos connaissances initiales, vous pouvez commencer plus ou moins loin dans cette liste non-exhaustive

Des participants se forment aux enjeux climatiques avec la fresque du climat
Un CODIR réalise une fresque du climat / [Source : Auteur]

En développant vos connaissances des enjeux climat, vous deviendrez plus aptes à anticiper les changements à venir liés au climat et donc à adapter vos lieux et modes de vie. Par exemple, savez vous quelles seront les conséquences sur le climat en France métropolitaine ?

De manière générale, les crues se feront plus intenses en même temps que les sécheresses seront plus fréquentes. Simultanément, les canicules se feront plus intenses et fréquentes, favorisant les incendies. Les hivers seront plus doux (favorisant un bourgeonnement précoce) et des vagues de froids printanière seront plus probables à cause de l’affaiblissement du vortex polaire. 

Tous ces évènements impactent et impacteront d’avantage les infrastructures utiles à nos sociétés humaines. Il faut donc composer avec des effets indésirables tel que la moindre disponibilité des centrales nucléaires en été (manque d’eau) ou un ralentissement des trains et RER à cause de vagues de chaleurs pour lesquelles les rails non pas été conçus.

Comment anticiper ces risques ?

En juin 2021, le Haut Conseil pour le Climat présentait son rapport “Renforcer l’atténuation, engager l’adaptation ” . Le rapport insiste sur le fait que des politiques d’adaptation doivent être déployées simultanément aux politiques d’atténuation. Il est question de préparer notre société à l’aide d’une stratégie nationale (déclinable localement) et d’outils d’aide à la décision.

Quels outils avons-nous à disposition pour s’adapter ? Le Bilan Carbone® est la méthode la plus répandue pour réaliser les actions d’atténuation du changement climatique.  Elle permet d’établir un diagnostic de son entreprise par rapport à son niveau d’émissions de GES. La réalisation de ce bilan doit permettre de détecter des leviers de réductions des émissions. 

Concernant l’adaptation au changement climatique, une méthodologie récente a vu le jour. Il s’agit de la méthodologie OCARA (Operational Climate Adaptation and Resilience Assessment). La raison d’être de cet outil est d’évaluer les risques climatiques sur l’intégralité de la chaîne de valeur de l’entreprise. 

L’outil permet de comparer des niveaux de risque pour l’entreprise par rapport à des processus très différents. Que ce soit votre fournisseur situé sur le pourtour méditerranéen et qui subit des sécheresses récurrentes, que ce soit vos clients qui n’ont plus besoin de votre produit dans certaines régions du monde ou vos procédés à forte valeur ajoutée qui ne sont plus opérables dans certaines conditions climatiques.

Les résultats escomptés d’un tel projet sont à inclure dans une démarche d’amélioration continue :

  • Analyse de la résilience climatique
  • Confrontation de l’entreprise à des scénario de choc climatique
  • Création d’un plan de résilience et d’adaptation
  • Planifier et mettre en œuvre les actions 
  • Evaluer les actions et affiner l’analyse de la résilience de l’entreprise

Atténuer le réchauffement en réduisant nos émissions au plus vite

Pour limiter les désagréments du dérèglement climatique (sécheresses, vagues de froid printanières, canicules, crues, etc.), il est important de réduire les émissions de CO2 de nos sociétés humaines au plus vite.

Pour cela, un ensemble de mesures peuvent être prises à différents niveaux. Notamment, les états peuvent modifier leur mix énergétique afin de réduire la part d’énergies fossiles dans celui-ci. Il existe cependant un large panel d’autres actions qui peuvent être engagées afin de diminuer les émissions de GES de nos sociétés humaines.

  • Adoption de technologies qui réduisent les émissions de CO2
    • Véhicules électriques
    • Pompes à chaleurs
  • Transformation des modes de production
    • Repenser les chaines logistiques
    • Eco-concevoir les produits pour prendre en compte les méthodes de recyclage
    • Choisir des matières premières à faible intensité carbone
  • Transformation des modes de consommation
    • Repenser l’urbanisme pour avoir accès à l’éduction, la santé ou le travail avec moins de déplacements
    • Favoriser les régimes peu carnés

Toutes ces mesures ont un coût non-négligeable, qui peut être un frein à l’action. C’est pour cela que le GIEC a réalisé une estimation du coût de l’action climatique versus le coût de l’inaction.

Une des conclusions robustes de ce rapport, c’est que le coût de l’action est moins important que le coût de l’inaction. La réduction de nos émissions est un investissement qui, à long terme, vaut le coup.

Céline Guivarch, coautrice du groupe 3 du Giec

Les dernières années ont vu des intentions multipliées pour agir en faveur d’actions d’atténuation du réchauffement climatique. A présent, nous entrons de plus en plus dans une période où ces actions devront être accompagnées d’actions et de stratégies d’adaptation. Au niveau territorial (France), la petite sœur de la SNBC se doit de voir le jour prochainement. Mais cet enjeu peut également être initié par des entreprises. Cela est même dans leur intérêt.

Le dérèglement climatique est un symptôme.

Alors que nos société se préoccupent de plus en plus du dérèglement climatique, il est important de vérifier si nous traitons bien la cause racine des problèmes. Il s’agit de partir de l’effet constaté – en l’occurrence le réchauffement climatique – et remonter vers la cause racine par une succession de questions “Pourquoi ?” . La “méthodologie des 5 pourquoi” amène irrémédiablement à la conclusion suivante. 

Le dérèglement climatique n’est pas un problème (il n’est pas la cause racine du problème). Le dérèglement climatique est un symptôme. Il est le symptôme de sociétés recherchant continuellement la croissance des flux de production dans un monde (la Terre) de taille finie. 

Cette recherche continue de la croissance depuis des décennies est la cause principale du dépassement d’un certain nombre de limites planétaires (7 sur 9).

Pour imager le fait que le dérèglement climatique n’est qu’un symptôme, imaginez vous la situation suivante :

Imaginez un bulldozer alimenté avec une source infinie d’énergie “verte”. Ce bulldozer n’émet pas de CO2. Il ne pose donc de pas de problème vis-à-vis du réchauffement climatique. Cependant, il peut quand même raser une forêt entière.

Photo de l'auteur [Harald Lhomme]

Auteur :

Harald Lhomme

Consultant en stratégie carbone