Comment réaliser la transition énergétique ?

Comment ont évolué les mix énergétiques ? Quels leviers activer pour entamer de la meilleure manière la transition énergétique ?

Dans un article de cette série consacrée à la transition énergétique, nous avons évoqué l’importance des mix énergétiques comme un 1er axe de compréhension des causes de nos émissions de CO2.

Nous vous proposons ici de développer le thème des mix énergétique et de faire le lien avec nos meilleures armes pour atteindre nos objectifs climatiques : les leviers pour la décarbonation.

Tout commence par nos choix d'énergie !

Nous ferons une analyse au niveau des Etats car les données sont plus facilement accessibles et plus représentatives. Cependant, chaque organisation (entreprise, association, citoyen) peut réaliser ce même travail comparatif.

Tout d’abord, regardons d’où proviennent nos émissions.

En 2010, l’humanité a émis environ 35 milliard de tonnes de CO2. Dont 30 milliards proviennent de la combustion de ressources fossiles et de la fabrication du ciment.

Comme nous l’avons présenté lors de l’article sur L’histoire de la transition énergétique, ces ressources fossiles sont brûlées afin d’utiliser leur potentiel énergétique. Elles peuvent alors être considérées comme des énergies (d’origine) fossiles.

Les émissions de CO2 d’origines humaines (anthropiques) sont principalement dues à la combustion de ressources fossiles. Cette combustion peut servir à différents usages comme :

Faire avancer un véhicule
Se chauffer
Produire de l’électricité

Comparons les différentes solutions pour se chauffer et pour produire de l’électricité selon un axe particulier : la quantité de CO2 émise pour produire 1 kWh d’énergie de chauffage ou pour consommer 1 kWh d’énergie électrique.

Pour se chauffer, nous avons différentes solutions. Bien souvent, on se chauffe au fioul à la campagne et au gaz en ville. La raison étant simplement que le déploiement d’un réseau de gaz est plus économique en milieu dense.

Les modes de chauffage issus des ressources fossiles (fioul et gaz) sont ceux ayant l’intensité carbone la plus forte.

Pour réduire son impact carbone tout en ayant le même service (1 kWh d’énergie à utiliser), changer de mode de chauffage est une première solution.

Le même raisonnement s’applique avec l’électricité.

Produire de l’électricité avec des ressources fossiles s’avère être les modes les plus émissifs.

Encore une fois, changer de source de production pour notre électricité permet de réduire nos émissions de CO2 pour le même service (1 kWh d’énergie électrique).

A travers ces deux exemples, nous voyons que le choix de nos sources d’énergies peut impacter fortement les émissions de CO2. L’analyse du mix énergétique permet donc de se faire rapidement une idée des émissions de CO2 d’un pays.

Pour rappel, le mix énergétique est la décomposition des différentes énergies utilisées par un système (souvent analysé au niveau des pays).

Comment évoluent nos choix d'énergie ?

Nous l’avons vu dans l’article sur l’histoire de la transition énergétique, l’humanité consomme de plus en plus d’énergie.

Mais que peuvent nous raconter ces mix énergétiques ? Pouvons-nous les faire parler ?

L’évolution du mix énergétique mondial depuis 1800 nous permet de voir plusieur choses :

La révolution industrielle [1850] a commencé grâce au charbon
Les 30 glorieuses [1945 -1970] doivent remercier le pétrole
Le nucléaire apparait suite aux chocs pétroliers de 1970
Le charbon est en forte hausse depuis les années 2000 car … surprise. Nous le verrons d’ici peu 😊
Les énergies renouvelables sont quasiment invisibles mais sont en essor depuis les années 2000

Rentrons maintenant dans une analyse pays par pays pour en tirer des analyses plus précises.

1. LE MIX ENERGETIQUE CHINOIS

Réponse à la surprise précédente. L’essor économique chinois des années 2000 a été rendu possible par une utilisation intensive de charbon.

Le pays possède aujourd’hui la moitié des centrales à charbon ouvertes dans le monde.

Evidemment, la Chine est devenue l’usine du monde et l’usage de ce charbon permet les importations des pays occidentaux depuis la Chine.

2. LE MIX ENERGETIQUE JAPONAIS

Le voisin asiatique, le Japon a connu son essor économique durant les 30 Glorieuses avec un usage prédominant de pétrole. Suite aux crises pétrolières des années 1970, le Japon développe l’électricité d’origine nucléaire.

Le maximum énergétique japonais intervient en 2005 principalement du à un usage décroissant de pétrole.

En 2011, le Japon ferme son programme nucléaire suite au tsunami et ses conséquences sur la centrale de Fukushima. Le nucléaire représentait alors 13% de l’énergie primaire utilisée par le Japon.

3. LE MIX ENERGETIQUE ALLEMAND

Notre voisin allemand a connu un essor économique durant les 30 Glorieuses avec un usage important de charbon.

Le développement du nucléaire s’accélère suite aux crises pétrolières des années 1970. Tout comme le Japon. Qu’on ces deux pays en commun ?

Le maximum énergétique de l’Allemagne intervient en 1980 avec la baisse de la consommation de charbon et de pétrole.

Suite à l’accident de Fukushima, le pays choisit de sortir progressivement du nucléaire. Sa part dans le mix énergétique passe de 10% à 5%.

4. LE MIX ENERGETIQUE MOYEN EUROPEEN

En considérant l’Europe (géographique), nous remarquons que son essor durant les 30 Glorieuses est lié à la consommation de charbon et de pétrole.

Là aussi, le développement du nucléaire se fait sentir à partir des chocs pétroliers des années 1970. La France ne serait donc pas la seule à avoir des idées ?

Le maximum d’énergie consommée par l’Europe est atteint en 2006 avec la décrue de la consommation de pétrole.

NB : Le rebond des années 1985-1990 est due à l’incorporation des pays de l’ex-URSS dans la catégorie Europe.

Que déduire de l’analyse de ces mix énergétiques ?

L’évolution des mix énergétiques s’est faites dans le même temps que l’évolution économique des pays. L’utilisation massive d’énergie a permis le développement économique des pays ayant eu accès à ces énergies. La transition énergétique ne doit donc pas être pensée hors-sol mais liée à l’économie réelle des pays.

Comment réaliser la transition énergétique en France ?

Nous spécifions sur le cas de la France mais la méthodologie est applicable à chaque pays, entreprise ou individu.

La France a misé sur le nucléaire de manière importante à partir des années 1980 (suite aux deux premiers chocs pétroliers). Ce n’est pas la seule à avoir des idées mais elle est la seule à avoir réussi à incorporer autant du nucléaire dans son mix énergétique.

La maximum énergétique français est atteint en 2005 avec la décrue de la consommation de pétrole, de gaz et de nucléaire.

Voilà la situation au début des années 2020. Il s’agit maintenant d’atteindre nos objectifs concernant la transition énergétique.

Pour cela, le gouvernement français s’est doté d’une stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Nommée SNBC pour Stratégie Nationale Bas-Carbone, elle s’appuie sur 3 principaux leviers pour réaliser la transition :

le choix de sources d’énergies moins intenses en CO2 (que nous avons évoqué précédemment)
l’efficacité énergétique
la sobriété

L’utilisation des 3 leviers précédents devrait permettre d’atteindre la neutralité carbone en France en 2050.

Pour cela, il faut diminuer les émissions de 460 MtCO2e à 80MtCO2e. Une réduction de l’ordre de -5%/an pour atteindre un total de -80% en 30 ans.

Pour atteindre la neutralité carbone , le débat public ne porte quasiment que sur le 1er levier. La décarbonation des vecteurs énergétiques.

Mettons en lien ces 3 leviers autour d’une simple “équation” afin d’avoir une meilleure vue d’ensemble.

L’identité ci-contre, appelée Identité de Kaya et revisité par Cédric Ringenbach, permet de faire apparaître les 3 leviers identifiés par la SNBC pour réaliser la transition.

Le terme CO2/Energie évoque la décarbonation des vecteurs énergétiques.

Energie/Production est en lien avec l’efficacité énergétique.

Besoin/Population fait référence à l’objectif de sobriété choisie.

L’efficacité énergétique est un levier fortement utilisé depuis les années 1980 et l’apparition des premiers chocs pétroliers. Il s’agit d’optimiser la consommation d’énergie pour obtenir le même niveau de service. C’est avant tout un travail d’optimisation pour les ingénieurs. Les exemples sont nombreux : isolation des bâtiments, éco-conception, optimisation des processus industriels ou l’amélioration de l’aérodynamisme des véhicules.

La sobriété se positionne au niveau des besoins. Ai-je besoin de me déplacer en voiture (~1 200 kg) pour faire 5 km ou puis-je le faire en vélo (~20 kg) ? J’utilise ainsi moins d’énergie pour le même service. Ai-je besoin d’acheter un nouveau vêtement ou dois-je réparer le précédent ?

Si ces questions peuvent se poser au niveau d’un individu, elles peuvent également l’être au niveau des entreprises.

Mon client a-t-il besoin de posséder des pneus neufs ou a-t-il besoin de faire des km en voiture ? Mon client a-t-il besoin d’un nouveau téléphone ou seulement qu’on répare le précédent ? La machine que je vend a-t-elle besoin d’autant de métal ?

L’activation de ces 3 leviers afin d’atteindre les objectifs de la transition énergétique française risque fortement d’apporter des soubresauts au fonctionnement de notre économie avec notamment des variations d’activité plus ou moins fortes dans certains secteurs qui impacteront nécessairement le marché de l’emploi.

La réalisation de la transition énergétique ne se fera que si toutes les forces vives du pays sont coordonnées dans la réalisation de cet objectif. Pour coordonner différentes entités, il faut un plan partagé par tous.

C’est ce que propose The Shift Project dans son Plan de Transformation de l’Economie Française. Un plan permettant de visualiser le chemin nécessaire pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, secteur par secteur.

Auteur :

Harald Lhomme

Consultant en stratégie carbone